mercredi 6 mars 2024

G : La guerre scolaire à Saint Sever dans les années 1960


LA RIDICULE GUERRE SCOLAIRE DÉPARTEMENTALE DANS LES ANNÉES 1960

Sous-titre : J’ai amplement donné

Récemment par maladresse, un membre du gouvernement a failli raviver les braises couvant sous les cendres de la guerre scolaire qui a sévi en France de 1850 à 1984.

 Mon aventure d’adolescent mérite d’être connue. Le texte ci-après est long mais je pense que vous le lirez jusqu’au bout : incroyable mais vrai

1 ISSU DE 2 FAMILLES LAÏQUES ET RÉPUBLICAINES :

Je suis issu de 2 familles républicaines et laïques. Un arrière grand-oncle à mon père, vicaire général avait « bouffé » 7 propriétés rurales près de la Midouze. Mon père et sa sœur institutrice étaient laïques, républicains et sympathisants du parti radical. Mon père fut élu en 1937 conseiller d’arrondissement, front populaire à Saint Sever et premier adjoint en 1945.

Ma mère était républicaine, catholique pratiquante mais pas au point d’envoyer son enfant à l’école catholique. Mon arrière-grand-père fut élu un des premiers conseillers municipaux républicains à Saint Sever au début du 20ème siècle.

2 AUX ÉCOLES MATERNELLE ET PRIMAIRE LAÏQUES :


Je débutai à 5 ans à l’école maternelle publique de l’actuelle rue Louis Fournier.



Ensuite j’ai poursuivi normalement ma scolarité primaire rue de la Navarre. En CM2, j’avais comme instituteur le futur directeur du cours complémentaire public de Saint-Sever.

3 PROJET DE DEMI PENSION EN 6ème AU LYCEE VICTOR DURUY :

Au printemps 1958, il fallait que je rentre en 6ème. D’une santé fragile, la doctoresse scolaire avait noté : « frise le rachitisme », ma mère m’avait inscrit comme demi pensionnaire à Victor Duruy car le futur collège public de Saint-Sever n’ouvrit ses portes qu’en octobre 1959.

Ce lycée était, j’ose écrire familial, mon père, mon grand-père et mes 3 oncles maternels y furent élèves entre 1890 et 1936. Mon oncle Paul mourut suite à un refroidissement lors d’un début d’incendie à l’internat.  

Elle avait obtenu une bourse du ministère et une petite aide mensuelle de la caisse de retraite des vétérinaires, mon père étant décédé le 10 décembre 1954.

4 OUVERTURE DU COLLÈGE PRIVE :

Le 16 janvier 1958, l’archiprêtre Maurice Bucau meurt et l’évêque nomme Jean Guichement. L’enseignement catholique avait ouvert clandestinement une classe de 6ème avec 2 élèves filles en octobre 1957. Il est décidé d’ouvrir officiellement un cours complémentaire privé à la rentrée d’octobre 1958 prenant de vitesse le ministère de l’éducation nationale engluée par le changement de république.

Le nouvel archiprêtre a décidé de visiter tous ses paroissiens en commençant par les voisins du presbytère. Ma mère lui explique sa crainte de mon demi-pensionnat à Mont de Marsan en raison de mon état de santé.

Il lui explique que l’évêque nomme comme directeur, l’abbé René Gourgues, montois d’origine, en poste à l’école privée de Laluque.



Ma mère pour garder le « petit » sur place m’inscrit au C.C. privé. Nous fûmes 4 en 6ème avec 2 professeurs, Gourgues et une religieuse basque espagnole pour la langue castillane.

Scandale dans mes 2 familles et pour le futur directeur du CC public, mon instituteur du CM2.

5 INSCRIPTION POUR ENTRER EN SECONDE A DURUY :

Au deuxième trimestre de ma 3ème, ma mère m’inscrit à Victor Duruy où mon père, mon grand-père maternel et 3 oncles avaient été élèves depuis la fin du 19ème siècle. Un de mes oncles interne est décédé suite à un refroidissement lors d’un début d’incendie nocturne.

 A l’examen des bourses, à l’oral d’histoire de géographie, Monsieur Lespès, ancien instituteur bachelier, promu professeur PEGC me donne le sujet d’histoire : « le front populaire ». Il me questionne comme s’il s’agissait de l’oral de la licence d’histoire.

Je suis collé et je n’ai pas demandé mes notes.

J’AI EU MA REVANCHE. Fin 1972, pion d’internat à Duruy, je rencontrais Lespès, régulièrement qui était alors sous-directeur du collège Duruy (ex collège des arènes). Les jours suivants l’obtention de ma maîtrise de géographie urbaine et d’aménagement du territoire avec mention bien, je rencontre Lespès dans un couloir. Je n’ai pas eu mention très bien, dixit le doyen Louis Papy président du jury car j’avais fait un gasconisme en écrivant deux fois pallier aux.

Je lui ai rappelé malicieusement son « charcutage » du printemps 1962 et mon nouveau diplôme universitaire que j’ai comparé à son parcours à l’EN de Dax. Vous savez cette « université » formatrice de cadres de la S.F.I.O. et du futur PS.

Je suis reçu au BEPC juste en dessous de la mention assez bien à cause de l’orthographe.

6 EXAMEN D’ENTRÉE EN SECONDE A DURUY

L’examen d’entrée pour passer du privé au public est de nos jours supprimé si l’établissement privé est sous contrat. En 1962, il y avait 2 sessions : fin mai et fin septembre.

Je reçois une convocation pour la session de septembre donc je n’avais qu’une chance sur 2. On était loin de prévoir la suite des évènements.

7 COLLE ET NON INSCRIT POUR REDOUBLER LA 3ème A DURUY

Cette session était très proche de la rentrée, elle comprenait Français, Math, Espagnol. Je réussis bien en math et je suis moyen dans les 2 autres matières.

Quand la mère appelle pour avoir les résultats. Je n’ai pas la moyenne, je suis donc collé. Elle demande au proviseur que je redouble à Duruy.

Réponse : « Je ne vous ai jamais dit que votre fils était admis à Duruy, vous n’avez qu’à le foutre à Cendrillon ou le faire redoubler là où il était. »

Tout naturellement, l’abbé René Gourgues m’accueille en 3ème en étudiant libre. Je n’allais qu’aux cours de math, de français et d’espagnol. Très original, j’étais étudiant libre à 14 ans.

8 BRANLE BAS DE COMBAT A ST SEVER : INFORMATION DU MINISTRE, DU RECTEUR ET DU DIRECTEUR DES SERVICES VETERINAIRES, EVEQUE…

Etant le premier élève sortant du collège privé à vouloir entrer à Victor Duruy dans le landerneau saint séverin ce fut le branle-bas de combat :

-        Le député Jean Marie Commenay alerta Pierre Sudreau alors ministre de l’éducation nationale.

-        L’Archiprêtre Guichement m’amena à 14 ans voir Robert Bézac, l’évêque de Dax. Le hasard voulut que dans son enfance périgourdine « Monseigneur » avait comme camarade le recteur de l’académie de Bordeaux

-        Ma mère veuve de vétérinaire alla voir le docteur Labatut Directeur des Services Vétérinaires des Landes et ami de mon père décédé.

La ligne unique du téléphone de Duruy chauffa...

Quelques jours après, le DSV envoya un vétérinaire libéral montois pour proposer à ma mère le « marché » suivant qui voulait sauver la face aux deux parties :

« Votre fils passe un examen pour entrer en 3ème à Duruy. Il sera reçu et redoublera à Mont de Marsan.

Ma mère furieuse contre ce 4ème examen en 5 mois dit au délégué montois : Pas de cirque, il doit redoubler la 3ème et bien il redoublera à Saint Sever au collège privé.

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A noter qu’à l’automne 1962, les membres de mes 2 familles, fonctionnaires de l’Education Nationale furent très discrets, on ne les vit pas à Saint Sever et on ne les entendit pas au téléphone. Seule ma cousine germaine (ma marraine) agrégée d’espagnol m’envoya par la poste son cadeau de Noël.

ANECDOTE : L’académie des Landes envoie, par erreur (?), le diplôme de mon brevet au collège public. Le directeur l’envoie à ma mère par un élève de mon quartier… Elle signe l’accusé de réception et le donne à l’élève facteur.

9 PRINTEMPS 1963 :

Grâce à la « micheline » de la ligne Mont de Marsan- Dax, début mars 1963, ma mère et moi seuls, nous allâmes à Victor Duruy pour m’inscrire à l’examen d’entrée en seconde. Aucun membre de mes deux familles ne s’était porté volontaire pour accompagner la veuve et l’orphelin.

Le proviseur M. Guinez marmonna une réponse à nos salutations et dit : « le pape aussi a le téléphone ».

En mai 1963, je suis convoqué à l’examen d’entrée en seconde où je me rendis seul par le car de ligne et le retour en auto-stop au passage à niveau de la gare. Le midi, j’ai été déjeuner dans une cantine catholique située dans un ancien hôtel 18ème de la rue Armand Dulamon.

Lors de la distribution des 3 sujets, je fus très surpris : c’étaient les mêmes sujets que l’an passé.

Ce fut facile pour moi puisque mes profs du collège privé m’avaient un an avant demandé de reproduire mes copies par écrit et ensuite donné les corrigés types. Pour eux, je dépassais la moyenne. Curieux n’est-ce pas ?

Je fus reçu sans connaître les notes de 1962 et de 1963…

10 LA RENTREE D’OCTOBRE 1963 :

Tout d’abord suite à une aide financière de la caisse de retraites des vétérinaires, ma mère renonça à me faire passer l’examen des bourses, le harcèlement avait assez duré.

Comme un grand avec un an de plus que les autres secondes, le jour de la rentrée, je pris le « carr de ramassage scolairre », dixit François Grossières qui lui se glorifiait d’être le titulaire du « carr de ligne », géré par la SERRAG.

Premier cours : physique-chimie avec M.Casteignau sympathisant du parti communiste. Avant de débuter son cours, il pose la question suivante : Y a-t-il parmi vous des élèves venant de « ces cours complémentaires ? » Nous étions environ une dizaine. Pour le professeur certifié de lycée, il se moquait de ces PEGC anciens instituteurs qui pour lui n’avaient le niveau pour enseigner la physique et la chimie.

Quand vient mon tour, je dis Saint Sever privé. Il vociféra et dit «  il ne manquait plus que cela ».

Deuxième cours, M. Godefroid professeur d’histoire et de géographie avec qui je brillerai et qui me montra le chemin de l’université.

11 - DÉCEMBRE 1963 PREMIER BULLETIN TRIMESTRIEL

Ayant eu des cours de physique-chimie en 4ème et lors de ma première 3ème au collège privé en section M prime, ma composition du premier trimestre fut brillante 19/20. L’appréciation du proviseur Guinez fut : « il ne suffit pas de travailler en physique pour être un jour bachelier ».

Et logiquement en seconde, j’obtiens le 1er prix de géographie, d’anglais seconde langue et un accessit en physique-chimie. Les autres appréciations du proviseur furent normales.

12 BACCALAURÉAT MATH ELEM OBTENU A 20 ANS

Puis en première et terminale mon rendement intellectuel va diminuer au fur et à mesure que mon activité amoureuse s’accroît. Très mauvais en français et en philo et nul en biologie, je ne pouvais passer ni le bac philo, ni le bac science ex. Il ne me restait plus que le bac math élem.

Très moyen en math (coef. 4), doué en physique (coef. 3), nul en philo (coef 2) et médiocre en espagnol (coef 1), je suis recalé en juin et en septembre 1966.

En redoublant, la situation empira dans mes matières faibles et à l’inverse, je m’éclate en physique, en géographie et en histoire. Mme Lucette Godefroid, prof. de biologie, alias Pepsine (de pepsine), un jour me dit : « Vous vous moquez de moi, vous êtes dernier dans ma classe et premier avec mon mari » alias Pépone (de peptone).

A 15 jours de mes 20 ans, j’obtiens enfin le bac math élem, sans mention avec 8 en math.et 16 en physique-chimie.

Ainsi par la faute de la guerre scolaire et par la mienne, j’ai perdu 2 ans de carrière professionnelle. Ces 2 ans obligèrent ma mère qui avait des capitaux immobiliers et peu de revenus à vendre des terres pour que nous vivions. Merci les pédagos-socialos-anticléricaux.

13 QUELLE FACULTE CHOISIR ?

En faculté, intellectuellement, je ne pouvais me lancer que dans 2 branches : physique-chimie ou géographie. Le « hic » en physique-chimie seules 3 absences en travaux pratiques étaient autorisées alors qu’en géographie les T.P. n’étaient pas obligatoires.

Avec des capitaux immobiliers donnant peu de revenus et sans véhicule, je me suis orienté vers la géographie car j’étais « pion » d’internat. Inscrit à la fac de Pau et au téléenseignement, j’avais l’aide de collègues pions et d’amis pour ma rendre à la Villa Formose à Pau. Je n’ai pu acheter une Simca 1000 qu’en mars 1968.

14 PARCOURS UNIVERSITAIRE SANS REDOUBLEMENT ET SANS PROBLEME

2 ans à Pau puis je m’exile à Bordeaux car Pau ne possédait à l’époque que le 1er cycle. Je sors en octobre 1971 avec mention bien à la maîtrise de géographie urbaine et d’aménagement du territoire.

15 MA « PIONIQUE »

Je suis nommé au L.T.N. d’Aire en septembre 1967. En septembre 1968, j’arrive au lycée Victor Duruy où je travaille sous les ordres du proviseur Guinez.

PORTAIL GRAND OUVERT POUR MOI ET MON AUTO

Très vite, je deviens le pion qui établit les emplois du temps des collègues. Ma carrière de pion est complète 7 années scolaires avec le service national à la B.A. 118 voisine du 1er août 1972 au 31 juillet 1973.

Le 1er octobre 1975, je rentre stagiaire comme agent de bureau à la mairie de Saint Sever. Jean Marie Commenay m’avait dit, « Je t’embauche quasiment au SMIC mais tu passeras les concours et les examens professionnels et je te nommerai ».

Le 8 juillet 2008, je partis à la retraite dans le cadre des attachés territoriaux. Cela est une autre histoire. Je dis merci à Maître Commenay et à Jean Pierre Brethes. Vous remarquez que je n’évoque pas le maire de 2001 à 2014.

Maintenant, vous comprenez pourquoi, j’ai toujours lutté politiquement contre les laïcards, anti-cléricaux de la défunte SFIO formés à l’EN de Dax.

 

Yan Pau Farbos

Gascoun Cap e Tout